Entretien avec Hamady Bocoum, directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN)

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Le 2 juillet dernier, à l’Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès (France), Pr. Hamady Bocoum a été distingué pour sa « contribution à l’archéologie africaine ». C'est l'occasion de revenir sur l'expertise de ce chercheur et de son institut. L'IFAN est un institut de recherche en Sciences sociales, humaines et naturelles au sein duquel a débuté la carrière de l’égyptologue Cheikh Anta Diop dans les années 1960. Il est rattaché à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, membre de l'AUF.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Hamady Bocoum, je suis directeur de recherche à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et chercheur associé au CNRS (France). Je suis historien-géographe de formation, spécialisé en archéologie. J’ai occupé les fonctions de directeur du patrimoine culturel du Sénégal (2001-2015) et j’ai siégé comme expert au Fonds mondial pour le Patrimoine Africain (2010-2014) et au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO (2012-2015). Je suis actuellement directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN). Je suis également directeur général du Musée des civilisations noires qui va bientôt ouvrir ses portes à Dakar (Sénégal).

Pouvez-vous présenter l’IFAN ?

L’IFAN est l’une des plus vieilles institutions de recherche dans l’espace francophone (80 ans). C’est une institution créée en 1936 avec Théodore Monod comme directeur. La mission première de l’IFAN était de faire l’inventaire des ressources naturelles et culturelles de l’Afrique Occidentale Française (AOF). Il se nommait d’ailleurs à cette époque l’Institut Français d’Afrique Noire, par opposition aux grands Instituts français qui existaient en Orient. Un travail très important a été fait dans cette institution, aussi bien dans le domaine des Sciences naturelles que des Sciences humaines avec des publications de référence ; l’IFAN est un patrimoine africain.

Actuellement, nous sommes un Institut avec un rang de Faculté au sein de l’UCAD. Nous sommes des chercheurs-enseignants et notre mission première est de faire de la recherche et de transmettre les résultats de la recherche. Nous assurons également des charges pédagogiques et nous participons aux encadrements des étudiants ; nous collaborons donc avec les écoles doctorales de l’UCAD. Notre institut compte 6 départements, 16 laboratoires, 44 chercheurs et environ 80 personnels administratifs et techniques d’appui à la recherche.

Vous avez été distingué récemment par la ville de Toulouse pour votre contribution à l’archéologie africaine. Pouvez vous nous en dire plus sur ce prix et sur vos travaux ?

Cette distinction a eu lieu dans le cadre de la 23ème biennale de la société des archéologues africanistes. Cette année, à titre exceptionnel, le comité d’organisation et la ville de Toulouse ont décidé d’honorer quatre archéologues qui ont apporté une contribution au développement de la discipline par leurs publications, contributions à la formation, rôles institutionnels, promotions et mises en valeur des biens révélés par l’archéologie.

En ce qui concerne mes sujets de recherche, je me suis progressivement spécialisé sur l’âge du fer et sur l’histoire des techniques. J’ai fait une première thèse en 1986 sur  «L’histoire technique et sociale de la métallurgie du fer dans la vallée du fleuve Sénégal » puis plus tard une autre thèse d’État, toujours sur la question du fer et de l’histoire des techniques. J’ai participé au groupe de travail institué par l’UNESCO sur les « routes du fer » en Afrique qui a montré très clairement que la métallurgie du fer a été inventée sur ce continent. Parallèlement, j’ai travaillé au patrimoine culturel du Sénégal, et j’ai eu la chance d’inscrire sur les différentes listes du patrimoine mondial de l’UNESCO cinq biens sénégalais : les mégalithes de Sénégambie, le delta du Saloum, le pays Bassari, le Kankourang et le Xooy.

Quelles sont les disciplines qui font l’objet de recherches dans votre Institut ?

Nos disciplines sont identifiées par laboratoire. Au niveau des Sciences naturelles, nous étudions la biologie marine, les vertébrés terrestres, les invertrébrés, la botanique, la géologie et le carbone 14.

Au niveau des Sciences humaines, nous étudions l’archéologie, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’islamologie, la linguistique et l’anthropologie. Nous avons également deux laboratoires transversaux extrêmement dynamiques : le premier travaille sur le genre (Laboratoire Genre et recherche scientifique) et le second s’intéresse aux changements sociaux (LARTES). Nous avons aussi un laboratoire thématique de référence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le traitement des eaux usées (Laboratoire de traitement des eaux usées).

Ces laboratoires sont organisés dans les départements suivants :

  • Sciences humaines : histoire, géographie, sociologie, etc. ;
  • langues et civilisations ;
  • biologie et milieux ;
  • géologie et botanique ;
  • information scientifique (publication).

Une éventuelle collaboration entre le Musée des civilisations de Dakar qui va ouvrir prochainement et votre institut serait envisagée, qu’en est-il exactement ?

Je suis le directeur de ce musée de l’État du Sénégal. Nous sommes en train de travailler d’abord sur les concepts qui le constitueront. Ma mission se termine bientôt à l’IFAN (à la fin de l’année) donc j’occuperai mes fonctions à temps plein au musée, mais nous allons collaborer avec l’IFAN et avec l’UCAD également. Nous souhaitons aussi travailler avec tous les professionnels, les institutions du Sénégal, d’Afrique et d’ailleurs. Nous voulons être à la confluence de toutes les expertises ; l’expertise de l’IFAN en premier lieu car elle est la plus proche de la nôtre et celle de l’université.

Quels sont les prochains grands événements que vous allez mener dans le cadre des activités de l’Institut ?

Nous avons commémoré le 30ème anniversaire de la disparition de Cheikh Anta Diop. Nous avons d’autres manifestations prévues dans ce cadre. C’est ainsi que l’artiste portugais Whils a réalisé sur la façade sud de l’IFAN une sculpture du parrain très réussie. Nous devons aussi relancer toutes les publications. Les épreuves sont terminées et les appels d’offres sont en cours.

Plus généralement, nous avons un accord avec le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour faire l’inventaire des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose, ainsi que l’échographie des inondations à Dakar. Nous sommes aussi en contact avec le Ministère des pêches pour prendre en charge les besoins en expertise du pays dans ce domaine.

L’AUF et l’UCAD développent beaucoup d’activités communes, notamment dans l’accompagnement des écoles doctorales et la planification stratégique. Comment envisagez-vous l’interaction du Musée des civilisations noires avec le Bureau Afrique de l’Ouest et notamment le Campus numérique francophone de Dakar?

Les musée aujourd’hui développent beaucoup d’activités numériques et le Musée des civilisations noires ciblera les jeunes et surtout les étudiants. Je compte donc m’appuyer sur toutes les structures du type AUF pour communiquer avec un large public qui représente le futur de notre culture. Je pense que le Campus numérique francophone de Dakar sera un partenaire important, notamment dans la préparation et la diffusion de visites virtuelles destinées aux publics jeunes.

Portrait de Cheikh Anta Diop réalisé par l’artiste Vhils sur le mur de l’IFAN

Date de publication : 05/08/2016

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