Lara Boustany : la francophonie universitaire est un espace de liberté et un vecteur d’égalité

LARA BOUSTANY

20 mars 2021 : l'Organisation Internationale de la Francophonie a souhaité inscrire les célébrations de la Journée internationale de la Francophonie sous le thème « Femmes francophones, Femmes résilientes » . C'est l'occasion aussi pour la francophonie scientifique et l'AUF de braquer les lumières sur des femmes qui, malgré les difficultés de la vie, travaillent durement chaque jour, pour changer leur communauté et le monde.
Lara Karam Boustany, rectrice de l'Université La Sagesse, membre titulaire de l'AUF depuis 20 ans, en est une. Nous l'avons rencontrée.

  •  Le thème retenu cette année par l’OIF pour la journée internationale de la francophonie est « Femmes francophones, Femmes résilientes ». A quel point êtes-vous une femme résiliente ? Pensez-vous que c’est une qualité ou un défaut?

 Résiliente, je le suis doublement ! En tant que femme, tout d’abord, et en tant que libanaise, ensuite. Je suis convaincue que toute femme et que tout homme ne doivent jamais baisser les bras et continuer à revendiquer la liberté et les droits inhérents à la personne humaine. C’est une lutte de tous les jours. Il ne faut pas vivre dans le déni de ce qui nous entoure et encore moins permettre aux malheurs de nous abattre.

J’ai pris mes fonctions le 5 août, au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth. Je n’ai pas visité le campus d’Achrafieh, j’ai marché dans un champ de bataille, sur des débris de verre, j’ai compté les portes soufflées et constaté la destruction de beaucoup de rêves. Plus de six mois après l’explosion, et alors que nous pansons encore des blessures, nous nous réjouissons pour chaque vitre remplacée, pour chaque porte réparée, pour chaque étudiant que nous accueillons car telle est notre mission et nous la portons à bras-le-corps. Notre mission est de continuer à construire des rêves.

  • Vous êtes la première femme à la tête d’une université catholique au Liban : à quels défis êtes-vous confrontée dans votre mission?

 Ce n’est pas tant être une femme qu’être la première personne laïque à la tête d’une université catholique au Liban qui est un défi.

Il est nécessaire d’assurer, auprès de tous les membres et étudiants de l’université, la transition d’un système de gestion à un autre. Il est également crucial de ne pas oublier qu’il s’agit bien d’une mission, au sens noble du terme, surtout dans un pays qui souffre autant que le Liban.

Les défis sont donc doubles : ceux qui guettent tout changement et ceux qui minent les élans. Si un changement peut être porteur d’espoir, il est aussi à l’origine d’une grande responsabilité qu’il convient d’assumer avec discernement et beaucoup d’humilité parce que chaque décision sera guettée, chaque prise de position évaluée.

En plus de ceci, la situation sanitaire, la crise financière voire existentielle, l’explosion du port de Beyrouth, la pauvreté qui ronge le Liban, la déliquescence de l’Etat, la jeunesse qui fuit le pays, les meilleurs professeurs qui plient bagage constituent des facteurs qui compromettent toute évolution. Les universités privées ont déjà lancé plusieurs alertes en ce sens. Le Liban se vide, il est miné par la corruption et la défaillance de la classe politique. Il ne faut pas tourner le dos au secteur éducatif, colonne vertébrale du Liban. Il est nécessaire de ne pas être dans un mode de survie mais dans un mode de résilience et de construction. C’est la jeunesse que nous formons qui est appelée à construire le nouveau Liban. Le défi principal est donc de la garder et de lui donner espoir.

  • Quelles qualités faut-il pour réussir à piloter une université? 

Il n’y a pas de recette infaillible même si certains ingrédients me semblent incontournables : beaucoup de résilience, une bonne dose de discernement, un sens de l’observation et, par temps de crise, garder les pieds sur terre et deviner la détresse que les personnes qui nous entourent ne racontent pas toujours.

  • Quels objectifs avez-vous fixé pour cette année universitaire au contexte inédit?

 Inédit est bien l’adjectif qui convient pour décrire le contexte actuel. Le premier objectif est d’assurer un enseignement de qualité malgré la pandémie. Le second objectif est de rassurer nos étudiants et leurs parents en leur prouvant que l’Université La Sagesse se tiendra toujours à leurs côtés. Le troisième est celui d’assurer la survie et l’avenir de l’Université et de l’enseignement supérieur au Liban.

  • Enseignement à distance: l’Université La Sagesse a-t-elle réussi le passage au digital pour assurer la continuité des cours?

 Le passage au digital ne s’est pas limité aux cours. C’est toute l’université – ou presque – qu’il a fallu dématérialiser. Beaucoup d’efforts ont été faits tant par le corps professoral que par l’administration et les étudiants et je ne peux que les saluer et les remercier.

Toujours est-il que, et nonobstant le fait que nous espérons le retour à une vie universitaire en présentiel, des leçons doivent être tirées de cette expérience : l’université après la Covid-19 ne ressemblera plus à celle d’avant la pandémie. Une réflexion de fond sur les méthodes de l’enseignement universitaire et les outils utilisés s’impose.

  • Quel regard portez-vous sur la francophonie universitaire? Et qu’attendez-vous de l’AUF en tant que membre titulaire?

La francophonie universitaire est un espace de liberté et un vecteur d’égalité. La culture qu’elle promeut est celle des droits de l’homme, de la démocratie, de la dignité de la personne humaine et du respect de l’autre.

L’AUF est appelée à jouer un rôle de premier plan dans le paysage universitaire francophone au Liban : renforcer la coopération entre les universités et entre l’université et le monde professionnel, continuer à promouvoir la qualité de l’enseignement et de la recherche tout en les orientant vers les besoins et l’évolution du marché local et permettre un échange entre ses membres sur l’évolution de l’enseignement. En d’autres termes, j’attends que l’AUF soit aux universités ce que la francophonie est à la culture : un vecteur d’ouverture.

  • Un dernier message aux étudiants? Et aux étudiantes plus spécialement?

Croyez en vous, rêvez grand et travaillez pour réaliser vos rêves. Aux étudiantes, je leur dis de ne pas se laisser décourager et de considérer qu’il n’y a de plafond de verre que celui que l’on construit soi-même.

Date de publication : 19/03/2021

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