Maya Hadeh : un engagement francophone au service de l’enseignement supérieur syrien

Maya

Professeure de littérature française et fervente défenseure de la francophonie, Maya Hadeh incarne un engagement exemplaire en faveur de la langue française en Syrie. Forte de son parcours universitaire à l’Université de Damas et de sa collaboration étroite avec l’AUF, elle témoigne ici de son attachement à la Francophonie scientifique, des défis rencontrés par l’enseignement du français dans un contexte géopolitique difficile, mais aussi des perspectives d’avenir qu’elle entrevoit pour les jeunes étudiants syriens.

Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours avec l’AUF et de l’impact que cette collaboration a eu sur votre engagement en faveur de la francophonie ?

Je suis spécialisée en poésie française du XIXème siècle et en littérature francophone depuis 2013. J’ai été cheffe du département  de langues et littératures françaises au sein de l’Université de Damas en 2020 avant ma nomination au poste du responsable du Campus Numérique Francophone (CNF) de Damas en mars 2021. La fermeture des deux CNF ainsi que la suspension temporaire des activités de l’AUF en Syrie ne m’ont pas permis, malheureusement, d’exercer pleinement mes fonctions, cependant, je suis restée en contact permanent avec la direction régionale Moyen-Orient de l’AUF et depuis 2022, je suis membre associée à la Commission Régionale d’Experts Économiques et Scientifiques (CREES). La langue et la littérature française constituent pour moi une véritable passion et un engagement à vie, mon parcours au sein de l’AUF m’a donné le privilège de poursuivre dans cette voie en collaborant dans un milieu de diversité culturelle avec des instances régionales et des experts francophones et en donnant l’occasion aux enseignants et aux étudiants de l’Université de Damas de suivre plusieurs formations proposées par l’AUF et soutenues par des dispositifs favorisant les innovations pédagogiques et numériques.

 

Quel est votre regard sur la place actuelle de la langue française en Syrie, notamment dans l’enseignement supérieur ?

La Syrie a toujours été un pays francophone et francophile, en témoigne le nombre des diplômés en langue française dans ses universités. Malheureusement, l’embargo qui a frappé le pays ces dernières années a eu un grand impact sur le français et notamment avec la fermeture des postes diplomatiques et espaces culturels français en Syrie. Néanmoins, maints efforts ont été déployés pour préserver l’enseignement du français et surtout avec le peu des moyens que l’on dispose aujourd’hui. Ce fut un réel combat : le lycée français Charles de Gaulle de Damas est toujours homologué comme un établissement d’enseignement français que coordonne l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger). L’apprentissage du français est désormais obligatoire dans les collèges et les lycées d’État. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous pouvons noter, malgré tout, des avancées importantes : nous comptons désormais trois départements de français au sein de chaque université syrienne à savoir, à la Faculté des lettres, à l’Institut supérieur des langues et l’Institut supérieur d’interprétation et de traduction. S’y ajoute l’inauguration de trois départements de français à l’Université de Tartous, d’Euphrate et d’Idleb sans oublier bien évidemment les départements de français à l’Université de Damas comme à Soueida et Daraa.

 

Comment percevez-vous le rôle de la francophonie scientifique dans le développement des compétences et des savoirs au sein de l’Université de Damas ?

Le rôle de la Francophonie scientifique dans le développement des compétences et des savoirs au sein de l’Université de Damas est d’une importance majeure puisqu’il s’inscrit dans une vision intégrée qui considère l’ensemble des systèmes éducatifs en incluant la formation professionnelle et l’ouverture vers la société civile et l’écosystème entrepreneurial. Notre université est soucieuse de partager les valeurs essentielles de la Francophonie scientifique et notamment la diversité, la solidarité, l’égalité femme-homme, l’inclusion sociale, le développement durable, économique, social et culturel, le dialogue, la paix et la promotion du savoir. Notons qu’une unité pour le renforcement du rôle de la femme académique syrienne a été implantée en 2022 dans une perspective de fonder un centre professionnel sur ce volet. De plus, il est vrai que les départements de français soutiennent la formation des formateurs et l’innovation pédagogique en facilitant la diffusion du discours scientifique en français et le développement des compétences linguistiques spécialisées nécessaires à la recherche. Toutefois, un important travail reste à entreprendre au niveau de la valorisation et de la visibilité des publications en langue française et de l’indexation des revues francophones dans les bases de données internationales telles que Scopus et Web of sciences.

 

Quels sont, selon vous, les principaux défis et opportunités pour promouvoir la langue française auprès des jeunes étudiants syriens ?

Avec la fermeture de différentes espaces culturels français et francophones à Damas et à Alep comme le CCF (ex. Centre Culturel Français), le CNF de l’AUF, l’IFPO (Institut français du Proche-Orient), Campus-France et le CEDUST (ex. Centre de Documentation Universitaire, Scientifique et Technique), l’étudiant syrien s’est trouvé isolé et privé de plusieurs facteurs capables d’améliorer ses compétences linguistiques et culturelles en français car ces instances ont été des auxiliaires de vie pour les universités syriennes dans leur enseignement et leur promotion de la langue française, permettant le recrutement d’étudiants syriens de qualité. Avec la levée des sanctions contre la Syrie, nos jeunes étudiants aperçoivent une belle lueur à l’horizon : nous espérons que ces centres reprendront leurs activités et que la fuite des cerveaux prendra fin. Pour ce faire, il faut renforcer l’attractivité de l’enseignement de français en incitant des porteurs de projets et des instances francophones à développer de nouvelles structures en Syrie. Il faut également favoriser les collaborations avec les universités francophones régionales et les universités françaises, et développer des partenariats afin de garantir la pérennité de la langue française et de promouvoir la publication scientifique en français. Un dernier défi est celui de l’insertion professionnelle de nos étudiants, c’est pourquoi je soutiens l’implantation des CEF (centres d’employabilité francophone de l’AUF) dans notre pays, afin de renforcer l’employabilité et l’entrepreneuriat.

 

Comment les outils numériques soutiennent-ils l’enseignement du français ou les projets de coopération scientifique dans votre université ?

Dans la perspective de l’Université de Damas d’octroyer un enseignement innovant et de qualité à ses étudiants, le recours aux outils numériques devient indispensable. En ce qui concerne l’enseignement du français, la transition numérique est plus palpable dans l’enseignement du FLE ainsi que dans celui de la traduction. D’une manière générale, l’utilisation des outils numériques offre un large panel de possibilités aux enseignants pour enrichir le contenu pédagogique de leurs cours et permet aux apprenants de découvrir de nouveaux moyens d’apprentissage interactifs. Ce qui contribue, par la suite, à la réussite éducative, à l’inclusion des étudiants et à l’efficacité des activités de toute la communauté universitaire.

La transition numérique a été récemment mise en exergue au sein de deux projets de coopération scientifique : le premier est le lancement de la plateforme éducative interactive de l’Université de Damas (système d’apprentissage LMS – Learning Management System/Moodle) et le deuxième porte sur l’inauguration du laboratoire numérique de chirurgie dentaire qui permet d’initier les étudiants à l’usage du numérique dans les traitements et procédures de diagnostic, afin d’offrir un service thérapeutique optimal et de disposer d’infrastructures de recherche clinique aux normes internationales.

Date de publication : 17/06/2025

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